Depuis que j’accompagne des adolescents et des jeunes adultes en consultation, il n’est pas rare qu’on vienne me rencontrer pour une « phobie scolaire débutante ». En effet, loin d’être un phénomène isolé, l’absentéisme scolaire touche 2 à 5% des jeunes. Probablement présent depuis que l’école est devenue obligatoire, c’est en 1941 que le terme de « phobie scolaire » est introduit par JOHNSON.

« Il s’agit d’enfants qui pour des raisons irrationnelles refusent d’aller à l’école. Ils résistent avec des réactions d’anxiété très vives ou de panique quand on essaie de les y forcer »


AJURIAGUERRA-1974

La phobie est donc une crainte irrationnelle, démesurée et incontrôlable concernant un objet (animaux, objet, fruit,…) ou une situation (peur de prendre l’avion, d’être dans une foule, d’être dans un espace clos…) ne comportant pas pourtant de réel danger. Se manifestant par l’angoisse et la peur, le réflexe premier des personnes en souffrance est l’évitement de la situation phobique par la fuite. C’est généralement lorsque la phobie concerne une situation qu’on consulte un professionnel car sa manifestation peut se montrer très invalidante au quotidien et impacter notre vie sociale, professionnelle et personnelle.

REPERER LA PHOBIE SCOLAIRE

refus scolaire

Pour un parent, il est parfois difficile de distinguer ce qui appartient à la phobie de ce qui appartient au caprice ou au stress passager occasionné par un événement particulier (examen). Les périodes à risque concernent essentiellement l’entrée en primaire (5-7 ans), l’entrée au collège (10-11 ans) et l’entrée au lycée (autour de 15 ans) mais également les fins de cycle scolaire qui sous-entendent un changement à venir et réactivent des angoisses de séparations parentales.

Voici donc une petite liste d’indices à repérer:

  • Peur extrême de se rendre à l’école.
  • Crises d’angoisse ou crises de panique avant le départ à l’école. Pouvant se manifester par une difficulté respiratoire, des palpitations cardiaques, des pensées suicidaires, des évanouissements…
  • Troubles psychosomatiques en période scolaire: maux de ventre, maux de tête, nausée, vomissement, diarrhée, insomnie, perte d’appétit,…
  • Chaque matin, l’enfant supplie ses parents pour rester à la maison et promet sincèrement d’y aller le lendemain.
  • Les symptômes psychosomatiques ainsi que les crises s’amplifient considérablement quand on oblige l’enfant à se rendre à l’école. Elles disparaissent en revanche quand on l’autorise à rester à la maison.
  • En cas de phobie scolaire, l’enfant ne surjoue pas ses symptômes, il en souffre réellement.
  • Face à cette peur irrationnelle, l’enfant tente de la rationaliser. Il évoque alors la peur d’un professeur, d’un élève, la crainte d’échouer…
  • On remarque ensuite une période d’accalmie des symptômes durant les vacances scolaires et les weekend. Puis, une recrudescence des symptômes quelques jours avant la reprise des cours, par anticipation. Cette observation pousse donc les parents à croire que le problème se situe dans l’école-même. « A la maison, tout se passe bien pourtant ».
  • L’absentéisme scolaire peut être progressif : rater des cours, passages répétés à l’infirmerie. Mais il peut être aussi brutal: ne plus se rendre dans l’enceinte de l’établissement.
  • A terme, cela peut mener à une déscolarisation bien que le jeune tente avec volonté chaque matin de s’y rendre. Les cartables sont généralement préparés et les devoirs fait avec attention et continuité.
  • Dépendance marquée vis à vis de ses parents.
  • Désinvestit les activités de groupe.

Quelques repères essentiels:

École buissonnière et/ou désintérêt scolaire: L’enfant quitte le foyer sans difficulté mais ne se rend pas toujours à l’école. Il peut toutefois y aller sans problème. Il profite de son temps libre de manière agréable et ne ressent pas d’anxiété, ou alors elle concerne les sanctions. L’école buissonnière peut donc se traduire par le dégoût de tout ce qui touche à l’école et l’ennui qu’elle engendre.

Phobie scolaire: La phobie scolaire se démarque par une anxiété massive et irrationnelle à l’idée de se rendre à l’école. L’enfant souhaite s’y rendre mais ne parvient pas à quitter le domicile à cause d’une angoisse incontrôlable. Bien souvent, la phobie scolaire touche des élèves sérieux qui investissent (peut-être trop) ce milieu. Cela ne concerne donc en rien les élèves paresseux !

FACTEURS FAVORISANT LA PHOBIE SCOLAIRE

Lorsque je reçois un jeune en situation de déscolarisation partielle ou totale, je m’intéresse à beaucoup de paramètres. Tel un détective face à une énigme, je questionne ses premiers apprentissages, les premières séparations de l’enfant avec ses parents (crèche ou autre), ses premières années de maternelles, son intégration dans des groupes d’amis, les désirs parentaux pour leur enfant, la place de l’école au sein de la famille…
Nous savons effectivement que derrière le symptôme phobique se cache une multitudes de facteurs entremêlés.

Le facteur familial, la relation mère-enfant:

Comme nous l’avons vu précédemment, le premier moment de « crise » possible se situe vers 5-7 ans, en écho avec la période œdipienne. Durant l’entrée en primaire, le jeune enfant devra quitter sa place douillette de « petit protégé » pour découvrir l’autonomie et évoluer, sans ses parents. Il devra apprendre à lâcher son parent pour intégrer des groupes d’amis et pour accéder à l’apprentissage des connaissances. C’est ainsi qu’un enfant surprotégé dans une relation fusionnelle avec son parent pourra rencontrer ses premières difficultés.

fusion

Un parent lui-même phobique ou très anxieux qui surprotège son enfant aura tendance à lui transmettre ses angoisses et à lui suggérer que le monde extérieur est dangereux. Quitter la maison, se séparer de ses parents pour grandir peut donc être angoissant pour l’enfant mais également pour son parent, pas toujours prêt à la séparation non plus.

Avec autant d’angoisse de séparation des deux côtés, il est bien difficile d’investir un nouveau lieu de vie !

Le facteur environnemental en lien avec la place de l’école dans la famille :

Au cours de notre vie, certains événements traumatisants ou non peuvent impacter le bien-être de l’enfant et de sa famille.

  • un décès d’un proche,
  • une maladie qui touche un membre de la famille,
  • un déménagement,
  • un changement d’établissement scolaire,
  • une séparations des parents,
  • violence conjugale,
  • un harcèlement scolaire,
  • un chômage longue durée …

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Face à ce genre d’événement, l’enfant peut entrer ponctuellement dans un état dépressif. Triste et préoccupé, la qualité de son sommeil et de sa concentration seront impactés, ce qui entraînera une baisse des résultats scolaires. En conséquence, si les parents réagissent violemment par de la colère, une déception ou une punition, l’enfant peut fixer son problème sur l’univers de l’école et en faire un rejet. D’autant plus s’il sent que son « échec » scolaire entre en résonance avec les fantasmes et attentes parentales qui pèsent sur lui. La phobie scolaire peut en effet concerner des jeunes chargés d’attentes parentales lourdes, missionnés de faire « mieux que les parents » afin de rectifier un complexe de classe sociale (un besoin d’ascension sociale) ou l’interdiction de faire mieux par souci de loyauté familiale. L’enfant est donc pris dans les enjeux narcissiques de ses parents via ses performances scolaires.

école

L’enfant vient donc questionner sa place dans la famille, l’amour que lui porte ses parents, le sens que sa scolarité à pour eux. Se jugeant « mauvais enfant », le jeune pense avoir perdu l’amour de ses parents lors de baisse de résultats scolaires. Son état dépressif sera exacerbé et il développera des troubles psychosomatiques favorisant l’absentéisme.

A cette étape, l’enfant sera rassuré de constater l’inquiétude de ses parents qu’il prendra pour un acte d’amour et pourra revenir en classe. Malheureusement, faute de son absentéisme, il sera à nouveau dans une situation d’échec scolaire et cela sera la préoccupation principale de ses parents. Pris dans un cercle vicieux, le jeune peut se mettre à détester l’école.

Le facteur environnemental en lien avec la santé et la sécurité des proches:

Certaines fois, l’événement traumatisant ou non impacte considérablement un membre de la famille de l’enfant. Cette fois-ci, c’est le parent qui est déprimé, ce qui générera de l’angoisse chez le jeune . Trop inquiet pour l’un de ses parents, l’enfant mettra en place des stratégies (plus ou moins conscientes) dans le but de rester à la maison pour veiller sur lui de peur qu’il lui arrive quelque chose lors de son absence à l’école. C’est notamment le cas dans des situations de violence conjugale et de maladie où le jeune sent l’un de ses parents en danger / en souffrance. S’éloigner de lui, c’est prendre un risque qu’il lui arrive quelque-chose lors de son absence, hors de son contrôle et cela est très angoissant.

Le facteur scolaire, en lien avec une identité en construction:

Tout au long de sa scolarité, l’enfant et l’adolescent vont devoir se séparer du milieu familial pour intégrer des groupes de pairs, faire des alliances, trouver un partenaire amoureux, se confronter, s’opposer, se comparer, faire preuve de rivalité voire de compétitivité concernant leur capacité d’apprentissage…
Le regard de l’autre, son jugement parfois insupportable, la compétitivité ainsi que les dynamiques de groupe peuvent être parfois difficiles pour le jeune en construction identitaire. Ayant une estime de lui encore fragile, le jeune sera alors tenté de fuir le milieu scolaire.


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Travail scolaire

La classe de quatrième et de seconde sont des étapes charnières dans la scolarité de l’adolescent. Si ce dernier a pour habitude d’avoir des résultats corrects sans trop d’effort, ce passage qui suscite plus d’exigence peut faire chuter ses notes. Si le jeune est fragile et ne parvient pas à mobiliser suffisamment de ressources pour y faire face, il sera également tenté d’éviter l’école et d’en faire un refus afin de mieux gérer l’angoisse que son échec génère.

PHOBIE, VOUS DITES ?

Que se soit donc pour se rassurer de l’amour que ses parents lui porte, pour veiller sur un parent qui inquiète ou par peur de grandir, on remarque que derrière les problématiques de phobie scolaire se cache une problématique de séparation au sens large, de fragilité narcissique ou de désir interdit. Il est donc indispensable de savoir ce que le jeune fuit dans l’école pour l’accompagner au mieux !

La phobie scolaire ne serait donc pas une phobie en soi puisque ce n’est pas «objet école » qui fait phobie mais ce qu’il se joue autour de l’école: se séparer de ses parents, investir un lieu d’apprentissage, intégrer des groupes de pairs, …
L’établissement scolaire serait donc le support de projections, de fantasmes, de symboles où se cristallise l’angoisse. Le fait de se rendre à l’école en serait le déclencheur de ce malaise trouvant son origine dans l’histoire du jeune et de sa construction.

La phobie scolaire est l’une des spectaculaires manifestations d’anxiété dans laquelle l’école se trouve directement impliquée, ce qui toutefois, ne signifie pas qu’elle en soit directement responsable

C’est pourquoi de nombreux auteurs préfèrent parler de « refus scolaire anxieux » plutôt que de « phobie scolaire » qu’ils jugent trop « fourre tout ».

PRISE EN CHARGE

La phobie scolaire est une pathologie reconnue qui doit être prise au sérieux par les parents et l’équipe éducative. Elle peut en effet avoir de lourdes conséquences sur le plan éducatif, familial et social. L’identifier précocement permet de réduire considérablement l’installation de la phobie dans la durée et ce, grâce à une prise en charge adaptée.

Dans un premier temps, il est nécessaire que le jeune rencontre l’infirmière et le médecin scolaires pour évoquer ses difficultés. L’objectif de ces entretiens est d’aménager le temps scolaire de l’élève en fonction de sa problématique afin d’éviter une déscolarisation totale. Ainsi, en fonction de l’évaluation de la situation, il peut-être proposé un Projet d’Aide Personnalisé (PAP), un traitement médicamenteux pour apaiser l’angoisse, du soutien scolaire avec du tutorat ou encore envisager l’internat afin de favoriser une séparation du jeune avec son environnement familial.

isolement social

Face aux difficultés manifestées par l’enfant ou l’adolescent, l’enseignement à distance est très tentant (CNED). Bien qu’il soit parfois utile voire indispensable dans certaines situations, ce n’est pas à considérer de manière automatique. Établir un enseignement à distance permet effectivement de diminuer l’angoisse mais cela peut renforcer les conduites d’évitement et favoriser un isolement dont il sera parfois bien difficile d’en sortir par la suite.

En parallèle de ces aménagements, un suivi psychothérapeutique individuel est indispensable et dans certains cas une psychothérapie familiale.

psychothérapie

Conjointement à l’exploration de l’histoire familiale, des places de chacun dans la famille, de l’investissement scolaire et des désirs parentaux sur les enfants, … amener ses parents chez le psy est une manière détournée de missionner le professionnel à veiller sur le parent en détresse à la place du jeune et ainsi, de le dégager des lourdes responsabilités qui pèsent sur lui. De plus, comme nous l’avons vu, la phobie scolaire est une pathologie qui impacte toute la famille car elle vient chambouler les désirs parentaux envers leur enfant. Cela peut générer beaucoup d’inquiétude voire, de la honte. Il n’est ainsi pas rare de côtoyer des parents impatients qui dénigrent les soins si les effets de ceux-ci ne sont pas immédiats car « il y a urgence, le bac approche !! ». Les accompagner et leur proposer un espace de parole est donc très utile aussi.


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En cas de phobie scolaire extrême avec déscolarisation totale et face à l’échec de la prise en charge, une hospitalisation pourra être envisagée.

Vous avez la sensation que votre enfant est concerné par la phobie scolaire ? 

N’attendez pas plus longtemps ! La phobie scolaire, ou le refus scolaire anxieux, est loin d’être un phénomène isolé. Son origine est la plupart du temps multifactoriel et une prise en charge adaptée dès les premiers signes offre de bons résultats.


1. Contactez l’infirmière et le médecin scolaires

2. Mettez en place un suivi psychothérapeutique avec un psy

3. En cas de phobie extrême, une hospitalisation peut être proposée


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