Le 1er avril dernier, mon blog a été piraté. Jérémy a décidé de vous livrer son témoignage poignant et de partager son quotidien difficile auprès d’une psychologue. Vivre avec une psy n’est décidément pas chose aisée et vous allez savoir pourquoi !

Quelquefois, la nuit, je hurle. Je dors à poings fermés et d’un coup, bam ! Je me redresse droit comme un piquet, j’ouvre grand les yeux et je fais « aaaaaaaaah » très fort. Parfois y a même un scénario, genre je me débats avec des crabes ou bien j’ai un bras qui brûle. Pendant longtemps, hurler la nuit ça m’allait très bien. Je veux dire, je ne me posais pas de questions. Je vivais ma vie, tranquillou, pis des fois, la nuit, j’hurlais. Y en qui ronflent, y en a qui grincent des dents, y en a qui lisent des histoires sur des vampires qui jouent à touche-pipi avec des loups-garous. Moi je hurle, c’est comme ça.

Et puis, je me suis en couple avec une psy.

VIVRE AVEC UNE PSY : MON EXPÉRIENCE

Le job des psys, c’est de démêler les nœuds qui vous fatiguent l’esprit, c’est de vous alléger la tête pour que vous puissiez de nouveau courir nu dans des champs de marguerites en chantant la vie. Pour ça vous leur dites des trucs, après ils vous disent des trucs, après vous parlez de votre enfance, après ils vous parlent de votre père, après vous pleurez, après vous payez 60€.

C’est le concept : les psys guident les âmes abîmées vers la guérison grâce à la parole. Cela se traduit par cette formule niaiseuse qu’ils mettent tous sur leurs sites web : « mettre des mots sur vos maux ». Vous connaissez.

En règle générale, avec leurs patients les psys utilisent des mots simples. Des mots tout mignons, qu’ils vous jettent avec un regard bienveillant pendant que vos larmes entremêlées de morve coulent sur vos joues rougies. Ce que vous ne savez peut-être pas, c’est qu’en réalité les mots de psys sont compliqués.

En tant que patient, ces mots ne vous sont pas accessibles. D’une part parce que ça vous ferait flipper, d’autre part parce que vous êtes protégé par un truc qui fait un peu penser à une secte : « le secret professionnel ». Mais quand vous avez un psy dans votre entourage, vous les découvrez vite, ces mots compliqués. Soudain, votre cousine Julie et ses peines de cœur deviennent « Julie l’histrionique ». Au même titre que « tonton François l’état limite », « Lucie l’érotomane », « Rémi le mélancolique » ou encore « Lilian bordel il est vraiment taré lui faut l’hospit’ là c’est chaud frère » (il y a sans doute un mot compliqué pour Lilian aussi, mais dans la panique même le plus pro des psys peut oublier la théorie). Et pour filer le parallèle avec les sectes, ils ont même une espèce de grimoire qui répertorie tous ces mots chelous : le DSM.

Psychologues sauvages en pleine analyse de la pratique, plongées dans leurs DSM

Enfin bref, si je vous dis tout ça c’est parce que ces mots compliqués sont souvent nécessaires pour trouver la solution adaptée à votre situation. Les psys écoutent, analysent, puis vous mettent grosso modo dans des cases afin de vous aider à mieux vous comprendre et à prendre les bonnes décisions pour soulager vos peines.

Donc, que ce soit conscient ou non, aller voir un psy c’est faire le choix de « cheminer vers soi » (une autre phrase type si-c’était-une-tapisserie-y aurait-des-motifs-arcs-en-ciel qu’ils aiment bien mettre sur leurs sites, vous remarquerez).

C’est là où je veux en venir, le moment où vous auriez dû écouter votre mère quand elle vous a déconseillé de sortir avec une psy. Parce que le « faire le choix de » est important.

Quand vous êtes en couple avec une psy, vous ne choisissez rien du tout. Ah non non non ! Mon pauvre ami… Voyez ces yeux pleins d’amour et de tendresse, à qui vous confiez hier encore votre cœur, et derrière lesquels, aujourd’hui, une machine infernale s’est mise en action, qui scrute vos moindres faits et gestes, jusqu’à apposer sur votre front innocent la marque d’un mot compliqué.

Depuis tout ce temps, vous étiez analysé. Sans le savoir. Soupesé, décortiqué, jaugé comme une vulgaire saucisse à la foire du cochon de Crépy-en-Valois. Et un jour, alors que vous ne vous y attendez pas, votre névrose vous est révélée. Sauf qu’avec vous, la « bienveillance », le « sourire réconfortant » et le « non jugement », ils repasseront ! Ah ça ! D’un coup d’un seul, la diablesse vous balance ses mots imbitables là, que personne ne pige, et vous voilà Gros-Jean comme devant.

Par exemple : mettons que vous hurlez la nuit. Imaginez une chaude nuit de juin, la fenêtre est légèrement ouverte et laisse passer un air délicieux qui vient rafraîchir vos plantes de pieds. Dehors, quelques joyeux grillons vous bercent, et la lumière de la lune est sur vous comme une douce enveloppe maternelle. Mettons que, par cette belle nuit de juin poétique, vous vous redressez subitement en faisant « aaaaaaaah » très fort, et que vous réveillez votre conjointe psy à côté de vous. Ben là, ça donne quelque chose comme : « Oh il commence à me casser les ovaires l’autre avec ses terreurs nocturnes et son TAG ! ».

Pardon ? Terreurs quoi ? Moi j’ai peur de rien, la preuve : je mets des chaussettes dépareillées. Et puis c’est quoi « TAG » ? Table A Gondoles ? Mais ça ne veut absolument rien dire !

Sur quoi madame m’explique que TAG signifie Trouble Anxieux Généralisé, comme quoi j’aurais tendance à m’inquiéter pour un peu tout, que je passe mon temps à refouler mes émotions et que je somatise en hurlant la nuit ou via des tics faciaux, genre je me touche le nez en retroussant ma lèvre supérieure, que non ce n’est pas normal de penser que je vais me transformer en compote si je mange trop de compote, que j’aurais pas dû regarder cette vidéo synthétique du dernier rapport du GIEC avant de m’endormir et que je serais bien aimable, s’il te plaît, d’arrêter de l’emmerder avec des questions car y en a qui essayent de dormir, merde à la fin !

Ah bon.

C’est qu’elle m’inquiéterait presque celle-là ! Et pourtant, c’est pas mon genre. M’inquiéter, je veux dire. C’est pour ça, ça m’étonne. Elle me parle du GIEC, mais moi la fin du monde je la vis très bien hein ! Je peux m’engloutir des tas et des tas d’articles qui expliquent que c’est trop tard pour éviter un réchauffement à +3 degrés à cause de Bernard Arnault qui veut débuter sa journée par une gaufre aux truffes à Londres, sucer un homard le midi à Madrid et gondoler en marinière le soir à Venise.

Elle, elle refuse de voir que tout est vain, puisque dans 20 ans on en sera réduit à clopiner d’un bout à l’autre du pays en espérant trouver de l’eau potable.

Elle, elle n’arrive pas à supporter toutes les alertes des dizaines de milliers de scientifiques à travers le monde qui observent la catastrophe arriver et qui disent tous : oui 27° en octobre c’est franchement sympathique, mais ce serait bien si on pouvait encore respirer sans tousser à l’avenir.

Mais moi, moi ça ne m’impacte pas le moins du monde !

C’est comme la fois où j’avais enterré Bouboule, mon hamster de quand j’étais petit. Tout le monde avait l’air si contrit. Il est mort, c’est la vie hein ! Pas besoin d’avoir les yeux qui mouillent. Je me souviens bien, j’avais accueilli la nouvelle dignement. Sans heurts, sans cris. Peut-être un timide « ah flûte » avant de retourner capturer des Magicarpes. Remarquez, mes parents m’ont toujours dit que la semaine où Bouboule avait passé l’arme à gauche, j’avais fait des crises de somnambulisme. Ils me retrouvaient devant le frigo ouvert, en train de caler frénétiquement des tranches de morbier dans le creux de mes joues.

En l’honneur de Bouboule

Peut-être bien que j’essayais de prolonger la vie de Bouboule à travers mon sommeil ? Dans mes rêves. Comme si le voir partir était trop dur pour mon cœur fragile d’enfant ?

Oh merde ! Serais-je en train de cheminer vers moi ?

Je m’égare, je m’égare.

Ce que je veux dire, des fois qu’y en a parmi vous qui seraient tentés, c’est qu’il faut se préparer à l’introspection quand on se met en couple avec une psy. Ou avec un psy d’ailleurs, j’imagine que c’est tout comme.

Si vous êtes du genre à vivre votre vie pénard, sans vous poser de question, alors je ne recommande pas. Continuez à lever les bras en l’air like you don’t care. Mais surtout, surtout ne cédez pas à votre concupiscence lorsque vous rencontrez ces sales trifouilleurs de cerveaux. Qu’importe la qualité de leurs atours ! Pensez très fort à une pastèque, ou à votre grand-mère, je sais pas moi.

Parce qu’une fois en couple avec ces bêtes-là, vous allez vous en posez des questions. Chaque putain de minute, chaque putain de seconde. Vous allez manger une compote au petit dej’, et votre moitié vous regardera bizarre, et vous vous demanderez si c’est parce qu’il/elle sait qu’en jouant sous le pommier de papy à 8 ans, la chute d’un fruit pourri avait imprimé sur votre tête de morveux un œil au beurre noir, et que vous nourrissez depuis un besoin de revanche en consommant un max de pommes écrasées, compressées, malmenées, écartelées, vilipendées, écrabouillées. Dans ta gueule Granny Smith !

Et je vous parle même pas de ce qui vous traversera la caboche durant les coïts.

Bref, vous allez vous martyriser de questions. Jusqu’aux plus personnelles. Au fil du temps, vous vous interrogerez sur vous, sur votre vie, et ce que vous attendez du monde, et si vous êtes à votre place, et si vous êtes heureux. Et vous allez avancer, vous allez apprendre à vous affirmer, à assumer qui vous êtes, et ce que vous voulez. Vous allez dire stop aux ruminations, stop aux concessions qui sont autant d’obstacle à votre bien-être. Aller on fait la paix intérieure et on tape dans les mains ! Et vous allez mieux dormir, et peut-être même que vous n’hurlerez plus la nuit, ou alors très occasionnellement.

Voilà, c’est ça : en étant en couple avec un(e) psy, vous irez mieux.

Bon, dit comme ça, ça semble être une bonne chose. Mais que nenni ! Parce que vous n’aurez pas le choix hein ! En fait, vous serez obligé d’aller mieux. Obligé de réfléchir à votre vie, de prendre le taureau par les cornes. De l’écouter l’autre, vous parlez de ses solutions. Et « la TCC ça pourrait te faire du bien », et « tu seras plus apaisé mon chouchounet », et gnagnagna, et gnagnagni. Quel enfer ! Chouchounet il a rien demandé ! Je m’en sortais très bien avec mes tics faciaux ! A la base, tout ce que je voulais c’était pouvoir tâter des seins sous la douche. Et qu’est-ce que j’ai à la place ? Hein ? Une meilleure santé mentale ? Des « mots sur mes maux » ? WOUHOUHOU ! SUPER ! ON EST TRÈS CONTENT ! BRAVO LES PSYS

Bon sang.

Je vais m’arrêter là, parce que je me suis énervé tout seul, je crois bien.

Donc, rapidement, pour finir avant que j’aille manger une compote pour me calmer. Si vous voulez une relation pépouze. Somme toute assez classique. Avec le petit dej’ au lit qui se transforme subrepticement en engueulade pour savoir qui descend les poubelles. Vous savez, le tango des débuts et son rythme rapide, qui se mue peu à peu en une valse tranquille. S’observer vieillir, se compter les rides, regarder ensemble dans la même direction, tout ça tout ça.

En vrai : ça reste jouable.

Mais il faut être dans le délire Freud version Lidl qui vous fait une ananamèse ou amnanèse truc, je sais plus le mot, au resto le samedi soir. Donc checkez un peu le DSM avant que les choses ne deviennent sérieuses, sinon vous allez être paumé(e).

Voilà. Vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas.

On my way to fight apples

A propos de l’auteur

Yop ! Je m’appelle Jérémy et j’ai la lourde charge de supporter La Parenthèse Psy au quotidien. Un travail à plein temps… Mais quelques fois j’arrive à m’échapper, j’en profite alors pour écrire sur des trucs joyeux comme la fin de monde.

Toutes les images d’illustrations ont été générées par l’IA Midjourney