Mon amie avait 19 ans quand elle m’a parlé pour la première fois de ses idées suicidaires. Bien que je savais qu’elle traversait une rupture douloureuse, j’étais sous le choc ! On était étudiantes et on vivait loin de nos parents, je ne savais pas comment réagir…

Lucie, 23 ans

L’expérience de Lucie n’est malheureusement pas un cas isolé. Peut-être avez-vous déjà été dans cette situation ou dans un contexte similaire. Entendre un proche nous parler de sa souffrance n’est pas facile. On peut être terrifié d’entendre ce qu’il a à nous dire de peur de ne pas savoir comment « bien » réagir. Choc, inquiétude, impuissance et solitude se mélangent en nous… car il faut bien l’avouer, le suicide est encore un sujet tabou.

COMPRENDRE

Le suicide, c’est quoi ?

Le suicide est l’acte de mettre fin à ses jours. Il survient lors d’une « crise suicidaire » où la personne ne voit pas d’autres solutions que de se donner la mort afin d’atténuer sa souffrance. Et même si ce passage à l’acte est volontaire, il s’agit bien souvent d’un « non choix ». Le suicide est alors perçu comme le seul moyen pouvant apporter un apaisement. Si la souffrance disparaissait, le suicide ne serait plus envisagé.
Les pensées suicidaires sont donc les conséquences d’un mal-être intense. Une aide adaptée et une prise en charge psychothérapeutique peuvent aider à surmonter cette période délicate !


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Ecouter

Lorsque vous avez conscience qu’un de vos proches est déprimé depuis un moment et que cela vous préoccupe, apportez-lui un espace de parole. Parler de ses problèmes n’est pas forcément évident pour tout le monde, même auprès d’une personne de confiance. On a bien souvent honte et peur d’être incompris, jugé voire moqué. Alors pour faciliter l’échange avec cet(te) ami(e) en difficulté, préparez un espace confortable, familier et intime dans lequel on se sent en sécurité. Ainsi, dans un climat de confiance et propice à la discussion, vous pouvez aborder doucement ce qu’il ne va pas et vos inquiétudes: « j’ai remarqué que depuis quelques temps, ça ne va pas fort… ».

suicide

Sans crainte, questionnez ouvertement la présence ou non de pensées suicidaires: « Il t’arrive parfois de penser au suicide ? », « tu as déjà eu envie de te faire du mal ? ». Nombreuses sont les personnes qui pensent que le fait de parler de la mort va inciter la personne à passer à l’acte. Au contraire ! Le fait d’en parler lève un tabou, soulage la personne concernée et lui permet d’explorer d’autres options qui s’offrent à elle.

Lors de cette conversation, soyez pleinement à l’écoute. Abandonnez votre logique et ne cherchez pas à tout comprendre ! Même si cela vous paraît dérisoire ou incompréhensible, sa détresse est bien réelle. Soyez « juste » là, à écouter attentivement, sans jugement et avec bienveillance. Vous n’avez pas à dire beaucoup, il n’y a pas de mots magiques pour apaiser sa souffrance actuelle. Mais votre présence ainsi que votre attention sont déjà d’un grand soutien car cela montre que vous tenez à elle et que vous êtes disponible pour l’aider.

Le fait d’apporter à votre ami(e) cet espace de parole lui permettra de prendre conscience de l’intensité de son mal-être, d’être reconnu(e) dans sa douleur, d’être pris(e) au sérieux, de partager avec vous sa souffrance et ainsi de se sentir moins seul(e).

A NE PAS FAIRE: Évitez de dramatiser la situation, ce qui va au contraire renforcer l’idée que le suicide est la seule solution. Cependant, attention à ne pas trop minimiser non plus avec des phrases types « ça passera avec le temps / il y a bien pire dans la vie ! », qui vont banaliser son mal-être et pousser la personne à se renfermer. Censurez également tout commentaire culpabilisant « tu penses à ta famille si tu te suicides ?», et évitez autant que possible les jugements « le suicide, c’est lâche ».

Toutes ses phrases ajoutent de la honte, de la culpabilité et de la souffrance à votre ami(e). Elles lui renvoient sa fragilité et son incapacité à faire face aux difficultés. Il va se sous-estimer, se sentir encore plus incompris et donc encore plus seul. Elles n’aideront donc en rien la personne que vous souhaitez soutenir même si cela part d’une bonne intention. Soyez dans la compréhension et l’acceptation de son vécu.

EVALUER LA SITUATION

La majorité des personnes qui ont des pensées suicidaires montrent des signaux d’alerte avant de tenter quoique se soit et expriment leur détresse sous différentes formes. Je vous propose ci-dessous une liste de ces « indices » qui peuvent nous en dire beaucoup sur la santé et le moral de votre ami(e).

Reconnaître les signaux d’alerte :

  • Élément déclencheur: licenciement, rupture, décès, maladie, échec scolaire, …
  • Etat dépressif: profonde tristesse, désespoir, ruminations, perte d’intérêt / d’envie / de plaisir, difficulté de mémorisation et concentration, isolement, hygiène et apparence négligées, incapacité de se projeter dans l’avenir, irritabilité.
  • Santé physique: Trouble du sommeil (insomnie ou hypersomnie) et de l’appétit (perte ou prise de poids), fatigue inhabituelle, baisse du tonus musculaire (lenteur dans les mouvements).
  • Comportement à risque: consommation anormale d’alcool / de drogues, conduite dangereuse sur la route, scarifications / mutilations, antécédent de tentative de suicide…
  • Discours suicidaire ou qui en fait référence : « j’aimerai dormir et ne plus me réveiller », « je ne vois pas de solutions à ma souffrance, elle ne sera jamais soulagée », « j’en ai marre, je veux mourir », « je ne serais bientôt plus un poids pour toi », « à quoi ça sert de vivre ? Je n’aurais pas dû naître », « bientôt, j’irai mieux », etc…
  • Intérêt pour la mort: lecture sur le suicide, rédaction d’une lettre d’adieu ou d’un testament, donner ses objets personnels, mettre de l’ordre dans ses papiers, etc…
  • Un scénario précis: avoir une idée précise de son passage à l’acte sur la date, le lieu et la manière d’y procéder (Comment – Où – Quand). Plus le scénario est précis, plus il y a urgence !

Evaluer le danger « immédiat »

Tous ces petits indices peuvent vous mettre la puce à l’oreille concernant son état psychique et s’il y a un risque de passage à l’acte futur ou immédiat. Durant votre conversation, il est possible que votre ami(e) nie avoir des pensées suicidaires et essaye de vous rassurer. N’hésitez pas à creuser davantage surtout si vous observez des signaux d’alerte de la liste !

emergency

Si les pensées suicidaires sont claires et que la programmation de son passage à l’acte est précis, il est nécessaire d’agir rapidement. Vous pouvez dès lors le conduire aux urgences ou contacter des numéros d’urgence si votre ami(e) refuse de vous suivre. Ne le laissez pas seul jusqu’à l’arrivée de professionnels et confisquez toutes armes potentielles (arme à feu, couteau, médicaments, produits toxiques, etc…) présentes chez lui.


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AGIR

Si votre ami(e) ne risque pas un danger immédiat, que le scénario du passage à l’acte est indéterminé mais qu’il y a quand même la présence de traits dépressifs ainsi que des pensées suicidaires récurrentes, il est temps d’en parler.

Briser le silence

Si vous êtes arrivé jusque-là dans la lecture de l’article, vous devez vous sentir bien « lourd », « chargé » émotionnellement. En effet, être présent pour un proche qui ne va pas bien est loin d’être de tout repos. On se sent démuni, isolé, fatigué, stressé, responsable de sa sécurité et on culpabilise de ne pas savoir quoi faire ! Ce sentiment d’impuissance est très lourd à porter.

friends

Vous pouvez contacter quelques personnes « ressources » de votre ami(e) et leur faire part de la situation afin de ne plus être la seule personne en vigilance. Ils pourront prendre le relais et vous soulager ainsi du poids de vos inquiétudes. Une personne ressource est une personne importante dans la vie de votre ami(e) en qui il a confiance : frère/sœurs, père/mère, tante/oncle, autres amis,… Car il faut prendre soin de vous aussi ! Personne n’est disponible à 100% tout le temps, il faut également vous reposer, vous aérer pour vous ressourcer. Vous êtes son ami, pas son soignant !

Si votre ami(e) souhaite que vous gardiez le secret, dîtes-lui que cela est impossible. Expliquez-lui simplement qu’au vu de l’intensité de son mal-être et de vos inquiétudes, vous ne pouvez pas gérer ça seul et qu’il faut à vous comme à lui, une aide extérieure (médicale ou non).

S’entourer

Au cours de vos conversations, vous pouvez progressivement l’encourager à rencontrer un professionnel (psychologue/psychiatre) afin d’entamer une psychothérapie. Dans ces moments là, demander de l’aide  n’est pas simple. Bien souvent, les personnes en souffrance n’imaginent pas qu’un psy parviendra à soulager leurs douleurs psychiques et n’ont pas l’énergie de chercher de l’aide… alors, être moteur de cette demande est difficile ! Vous pouvez donc l’aider à rechercher des professionnels et à prendre contact avec eux.

psy

Avoir un espace de parole régulier avec un psy permet de parler de sa souffrance, de mettre des mots sur ses maux, de mettre de l’ordre dans ses pensées et trouver l’origine de son mal-être afin d’agir dessus. Les consultations psychothérapeutiques apportent un soulagement psychique et freinent les tentatives de suicide. En effet, le suicide est un passage à l’acte, nous sommes dans « l’agir ». L’agir est comme un réflexe, dénué de réflexion et de raisonnement. Tout en accompagnant votre ami(e), le thérapeute va l’aider à reconnaître et verbaliser ses émotions afin de remettre de l’élaboration. C’est cette élaboration qui freine le passage à l’acte suicidaire. Ce thérapeute pourra également aider votre ami(e) à surmonter sa dépression en proposant des séances de psychothérapie et/ou un traitement médicamenteux.


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Si vous détectez un comportement suicidaire chez un(e) de vos ami(e)s, il vaut mieux agir trop tôt que trop tard et ne pas rester seul ! Partager ses inquiétudes et les responsabilités avec des proches ou des professionnels rend la prévention du suicide plus facile et plus efficace !

  

Urgence: 112

Samu: 15

Suicide écoute: Écoute psychologique anonyme 7j/ 7, 24h/ 24.
Tel: 01 45 39 40 00 ou suicide-ecoute.fr


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